The Tetris Effect

L'effet Tetris est la faculté de toute activité à laquelle une personne consacre suffisamment de temps et d'attention à dominer ses pensées, ses images mentales et ses rêves (cf. Wikipedia). L'effet Tetris se vit comme un blocage dans une forme de représentations, une systématique. Dénote de l'étonnante plasticité du cerveau humain et en même temps de son inertie. Tetris est l'exemple le plus récent, le plus connu, le plus appréciable de tous, sans doute. Tetris vous transporte dans une hypnose d'optimisation logistique et combinatoire, inoffensive mais éprouvante. Mais Tetris n'est qu'un exemple parmi d'autres.

Mon Tetris personnel, de ces temps, c'est l'écriture. Une folie littéraire qui m'assaille aux recoins les plus inattendus. Des formules qui jaillissent des murs des stations de métros, s'enroulent autour des colonnes bétonnées, serpentent le long des machineries, des rues, des vitrines. Des mots qui coulent le long du dos de cette fille, là-bas, à côté de la porte du wagon et se mêlent à la chevelure de celle-ci, accrochée à son téléphone mobile sur la place, devant la fontaine. Des figures de style autour des chevaux mécaniques parqués le long des rues et des métaphores sur les trompe-l'œil de la résidence. Des phrases, des paragraphes, des livres entiers, une folie typographiée à l'encre noire. Une maladie, un vice. Un filtre.

Dans le brouillard des mots ne se découpent que des vérités temporaires, instantanés littéraires et exagérés. Indécents et impénétrables. Encore un brouillard, encore une couche, encore un voile, un cellophane mou et chaud, commode, familier. Des toiles grises de poussière tissée qui tentent d'estomper la marque de l'absence. Mais ce bureau, ce couloir-ci et le mur blanc d'en face sont étonnament vides de vie écrite. La pile de journaux sur la table de l'entrée s'est étendue, a phagocyté le verre fumé, ne représente plus qu'un monument, une reconnaissance posthume et futile. Ce lieu est en définitive anodin, copie conforme de pages de magazines d'aménagement intérieur, style forcé et métal froid, sans âme, sans destinée. L'enfer quotidien.

Et aujourd'hui encore, nous ne nous sommes toujours pas compris.