On ferme!

Bah oui, on ferme! C'est le dernier dimanche de l'Oktoberfest 2007 et comme me le rapportèrent d'autres plus culturés que moi, la fine fleur des nouveaux écrivains français est d'avis qu'à Munich, "soit un boit, soit on baise". Je tenais donc à optimiser cette dernière journée et éviter toute frustration rétrospective en allant boire directement. Après deux litres en plein soleil, je ne pouvais que confirmer l'indiscutable vérité derrière cette citation d'apparence simpliste. Et l'absence, en ce qui me concerne, de toute excitation autre qu'une légère euphorie accompagnée d'une envie fort rédhibitoire d'aller aux toilettes (qui ressemblent là-bas étonnamment à des abreuvoirs bovins, ça doit être pour réduire les coûts). Alors j'ai regardé les gens. Fascinant.

Les gens sont en groupes. Des petits groupes, des moyens groupes, des grands groupes. Et il est virtuellement impossible de distinguer ceux qui ont un peu bu de ceux qui n'ont rien bu. L'autre chose étrange, c'est la profusion de poussettes doubles. A croire que confrontés à la problématique de leur incapacité actuelle à se reproduire, certains mettent les bouchées doubles. Au passage, on constate qu'ils aiment toujours autant se déguiser et déguisent leurs enfants de même, poussant laborieusement dans la foule compacte des petites voitures emplies d'enfants mornes et traditionnellement attifés. Ils font la queue devant les toilettes, la queue devant les trains fantômes, la queue devant les grands huits. Il semble que ces vomissoirs mécanisés soient partie intégrale de la fête et de la tradition. Mais comme nous le remarquions, il y a un problème de synchronisation des cris avec la position sur l'assemblage métallique. Pas sur les balançoires motorisées, mais sur les montagnes russes. Les passagers manifestent leur terreur stridente à chaque fois avant que le wagon ne s'engage sur une courbe ou un looping.

Il existe plusieurs explication possibles à ce phénomène:

• C'est tout le temps comme ça, c'est normal et il faut vraiment être con pour se poser des questions pareilles par une belle après-midi d'automne, pas étonnant que tu sois célibataire. Ce à quoi je répondrai que tu pourrais rester poli, je ne te fais pas le reproche constant de ton insignifiance lassante, moi, et pourtant...

• Il s'agit d'une erreur dans les buffers son de la matrice et c'est bien là la preuve que nous sommes prisonniers d'un monde synthétique créé pour nous maintenir en esclavage à des fins ultérieures inconnues, par des créatures supérieures. Ben voyons... Ça, c'est vraiment "années 90", comme idée. Rétrograde, quoi...

• L'abus d'alcool est dangereux pour la santé et je souffrirai à partir de dorénavant d'un décalage sonore antérieur, qui aura pour effet que j'entendrai, ma vie durant, tout une seconde plus tôt. Comme un film mal synchronisé, un doublage brouillon. Un avantage certain dans ma vie professionnelle, légèrement plus frustrant dans ma vie sentimentale, je suppose.

Etonnant, non? L'alcool perturbe également la vue, semble-t-il. L'on me fit le reproche rétrospectif de ne pas m'intéresser / m'être intéressé aux éléments féminins environnants, même après l'ingestion de plusieurs litres de liquide traditionnel. Ce à quoi je répondrai qu'alentours, il n'y avait vraiment pas de quoi s'extasier (dans tous les sens du terme). Et que mes sens sont toujours aussi aiguisés qu'auparavant, le cœur n'y est pas (plus?), c'est tout. C'est pas vrai, quoi, merdalors, être obligé de se justifier sur des insanités pareilles. Enfin, pour en finir sur ce sujet, une chose est sûre, l'Oktoberfest, il est temps que ça ferme, il est des endroits là-bas où les effluves conjointes de vomi et autres déjections sont purement insupportables, même avec une sinusite chronique. Mais la jeunesse dorée et internationale amassée là-bas ne semble pas indisposée par ces relents d'humanité primitive.

La vision vespérale de la télévision allemande (depuis la tragique disparition de TV5 des bouquets analogiques) me rassérène quelque peu. Ils n'ont rien trouvé de mieux, comme concept marketing pour attirer les visionneurs, que d'envoyer 5 pauvres célébrités de bas étage, aux noms imprononçables et à l'insignifiance physique crasse, sur la partie espagnole du chemin de Compostelle. Avant, on les envoyait dans la jungle, on leur collait la tête dans des aquariums remplis de scolopendres, on les confrontait aux rouages vicieux de Fort Boyaux. Maintenant, les temps sont revenus de la spiritualité, de la souffrance purificatrice et non plus gratuite. Ah, je me sens mieux...