Ambivalence

Le pâle soleil d'automne, encore chaud pour quelques temps, se reflète sur les distributeurs de journaux au coin de la rue. Les titres sont mitigés. Les uns s'extasieront sur les 6,7 millions de litres de bière engloutis dans les dernières semaines. Les autres s'inquiéteront de l'insistance de plus en plus de mauvais aloi des conducteurs locaux de locomotives à faire la grève, une situation inconnue en Allemagne, étrangère, fantastique. Je me rappelle une fois, en sortant de l'avion de Munich à Charles-de-Gaulle, l'impatience souveraine de quelques voyageurs teutons devant la grève de la SNCF: "Fous les franzais, z'est touchours la meme choze afec fous, ze n'est bas en Hallemagne gue za arriferait, des chozes gomme za". Oui. Ha ha. Je ris. Enfin, pas trop. Ce week-end, il faut que je prenne le train, moi.

Sinon, les journaux tendent à apaiser les foules par l'affichage en première page des seins dénudés de jeunes modèles à la plastique acceptable. Une méthode classique. On n'a pas fait mieux. Pour calmer les lecteurs masculins. Les lectrices féminines, ben euh... La page sport? Non, les nouvelles locales? Ah non, j'y suis: les analyses profondes et sérieuses de problèmes de tous les jours. La baisse du pouvoir d'achat, la transformation progressive des églises en mosquée (véridique, vu ce jour sur une page de titre d'un journal pas ouvertement facho), les impôts, Angela et les promesses non tenues. Moi je ne lis pas ça, je préfère les versions digitales et plus professionnelles. Quoiqu'avec une page web, d'aussi bonne qualité soit-elle, il est bien difficile d'emballer les radis ou écailler les dorades avec autant d'aisance qu'avec ces bons vieux supports analogiques.

Ces derniers temps, des jeunes filles vêtues d'imperméable blancs et de chapeaux distribuaient des prospectus aux sorties des stations de métro. La feuille tendue contenait des bons pour des exemplaires gratuits du Welt am Sonntag. Mais il fallait aller les chercher soi-même. Hier, j'ai oublié et dimanche prochain je serai loin, là où toute consonance allemande sera proscrite et ce ne sera pas plus mal. Des bons à découper soi-même, suivant les pointillés et un jeu-concours qui imposait la lecture du journal susdit, pour gagner des choses intellectuelles, belles et précieuses, des encyclopédies et un voyage en Egypte. C'est beau. Dans Bild, en général, on gagne des bons pour des bières gratuites ou des pleins de carburant. Ça ne doit pas être le même lectorat. Pour la sauvegarde de mon âme, je devrais faire un effort, acheter des magazines, des hebdomadaires allemands. Même le programme télé. M'intégrer, avoir une activité intellectuelle. Ce serait mieux que de relire l'intégrale de Calvin & Hobbes. Mais j'ai toujours eu un faible pour eux, surtout pour Hobbes.

C'est sûr, à mon âge, dans ma position, ça ferait drôle de passer mes journées avec un tigre imaginaire, mais philosophe. Dans tous les cas plus rentable que la chasse un peu vaine d'une pâle copie névrosée de Catherine Zeta-Jones à travers les rues de Munich. Dans tous les cas plus rémunérateur que des journées devenues moitiés par défaut, à chercher des futurs. Les uns parlent à leur Blackberry, les autres se fortifient derrière leurs écouteurs de iPod. L'incommunicabilité rampe, je ne suis pas tellement différent. Je devrais aller acheter une hachette à Obi et sacrifier ces chaînes qui me lient à un monde qui m'assiège, mais ne fait rien de cette invasion, la télé HD et la Xbox. Et lire Schopenhauer, pour me remonter le moral.

Comments

[philou]

mais cest quoi ce blog??
pas un mot sur le rugby et la victoire de la france??