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Divers & variés
17 septembre 2007

Les choses déchirées, les choses précieuses

Alors voilà, le week-end avait commencé vendredi en fin d’après-midi comme ça :

Notes impromptues chronophages dans un train insupportable. Insupportable car trop long, trop lent, trop pas la bonne direction, trop pas les bonnes conditions, trop pas les bonnes personnes au bout. Inadéquation géographique et logistique.

Passer des heures dans des trains encerclant le week-end, je l’avais oublié, ce n’est pas la première fois. L’aller-retour direct de Lille, le contournement de Paris en carte 12-25. Temps lointains. Très lointains. Et le train ne durait que 3 heures, ici, c’est 7, minimum. D’où l’utilité du laptop et des prises électriques. Mais le laptop n’est pas bon, non. Je l’ai acheté pour écrire. Ecrire, c’est dur, écrire, c’est étouffant. C’est la seule chose qui reste, face aux pensées entremêlées, spaghetti cérébral.

Elle me dit que mon bonheur est entre mes mains, que c’est à moi de choisir ma voie, celle qui me mènera ailleurs, plus loin, mieux. C’est nécessairement positif, suffisamment constructif. Je pense que j’ai bientôt trente ans, c’est raisonnablement symbolique. Que ma vie sentimentale est un désert, ma vie privée un chaos, ma vie professionnelle au point mort. Que j’ai essayé de la rattraper, pas assez vite, maladroitement. Que je vis dans une ville qui m’est chaque jour plus étrangère, coincé dans des habitudes et la peur de changer, dans un travail qui ne m’offre plus rien et un vide symbolisé par un divan déformé, un vieux décor, qui a vu des jours meilleurs, ne les reverra jamais.

Je regarde un paysage qui m’exaspère, des conifères et des lacs, des montagnes en arrière-plan. Et des gens qui discutent leur vie dans une langue qui n’est pas la mienne. Je voudrais des plaines, du bocage, mais je ne suis pas sûr. J’arrive dans une impasse, indéniablement.

Sa conviction était que mon désir de revenir avec elle n’était que mon constat d’échec et mon incapacité à envisager, rechercher, une autre solution. Elle est belle, avec son barman romantique. Je me suis refusé à sauter sur la première venue. Je dois sans doute me refuser à déceler la spontanéité et la normalité finale de son choix, je suis juste jaloux, oui. Je suis destructeur et mauvaise langue, pourquoi sa nouvelle histoire ne serait-elle pas belle, la nôtre eut aussi un commencement étrange ? Mais je ne peux pas le voir ainsi, pas maintenant, peut-être jamais. Normalement, je devrais être lentement définitivement dégoûté. Normalement. Si je n’étais pas têtu, fidèle, loyal, engagé jusqu’à la déraison, dans un combat de principes que j’ai perdu il y a longtemps. Si je ne me disais pas que la mère de mon Fils était obligatoirement la femme de ma vie, ou presque. Mais qu’en ces temps capitalistes, tout est jetable, cotable en bourse, échangeable, même l’amour. Surtout lui, le produit de base.

pyarmide_maslowLes théoriciens pondent des tableaux, des pyramides, expliquant tout et n’importe quoi, les choses les plus basiques, mettent des jolis mots dessus. J’ai essayé de dire au Docteur M., à l’époque, que mettre des mots sur des malaises, des terreurs, des angoisses, des choses déchirées, n’atténuait en rien leur effet. Il disait que c’était juste une étape nécessaire, il avait peut-être raison. Mais la suivante, je ne la vois pas.

Mon Fils, oui. L’abandonner me coûterait la vie, j’appliquerais la sentence moi-même. Mais tout s’est emmêlé dans des compromis filandreux, insatisfaisants. Lourds. L’instant est sans alternatives. Je devrais retourner écrire des critiques de disques ou de bandes dessinées pour donner le change, sans doute. Mais je n’écoute plus Lumberjack ou les morceaux récents, je les ai trop associés, irrémédiablement, à cette fin d’été 2007, qui n’en finit pas de continuer, boule de neige précoce. Attends la fin de la tempête, résiste juste à l’impulsif…

On en conviendra, rien de bien encourageant, le trip dépressif, encore et encore. Et puis finalement, le train est arrivé. Et la confrontation, ou plutôt son absence. J’arrive, elle m’ouvre la porte, je sens une présence, m’avance dans la pièce. Il est là, son barman, engoncé dans un blouson, les mains fourrées dans celui-ci, légèrement voûté, me jette un regard noir par en-dessous. Je l’ignore, pose mon sac. Il se dirige vers la porte, tout en me dévisageant toujours aussi crûment. Je fais une remarque en français sur son amabilité apparente, il ne réagit pas, disparaît sur le palier. Elle me regarde, un instant, comme déroutée, me demande si tout est clair pour le week-end. Oui, à part quelques petites choses, somme toutes anecdotiques. Ils s’en vont. Je vois du balcon la chose voûtée, toujours les mains dans les poches, qui marche, roulant légèrement des mécaniques, devant elle. Elle se tourne, regarde vers le balcon, ne me voit pas, je suis dans l’ombre. Et ils partent.

Je vais voir le Petit, il dort paisiblement. Je me prépare à faire de même et le téléphone sonne. Elle me demande si je me sens bien. Je lui réponds que pas plus mal que cette semaine. Elle me dit qu’elle me connaît, mais ne m’avait jamais vu ainsi. Etonnant. Je lui fais remarquer que son molosse n’avait pas l’air aimable, voire plutôt agressif. Elle me dit qu’il a dû réagir à mon expression. Ben voyons. Toi et la psychologie masculine. Je n’ai pas vraiment vu le moment où son grand sourire de bienvenue s’est mué en agression muette. J’irais même jusqu’à dire qu’il n’y avait qu’elle (l’agression muette). Je lui dis que je n’ai pas l’impression qu’elle a tout sous contrôle. Elle, si. Je réitère mon point de vue, sans changer sa formulation. Oui, c’est ça. Bon week-end.

ballon_opaque_rougeLe week-end s’écoule paisiblement, sans accrocs. Le Petit va bien, ressemble à Rambo avec ses égratignures et ses dernières traces de varicelle. Temps instables, je suis là. Je pense à elle, aussi, bien sûr. Mais différemment. La pauvre. Je ne m’étais pas rendu compte qu’elle était aussi bas. C’est triste à dire, en parlant de la mère de mon fils. Apparemment, elle était en manque. Oui. Mais je n’aurais pas cru qu’elle aurait aussi peu d’amour-propre pour se commettre aussi précipitamment avec un total inconnu. Mais c’est aussi ça qui me sauve, d’une certaine façon, puisque grâce à cette action, j’ai compris beaucoup de choses. Des choses tristes, vaines, aussi. Comme par exemple le fait que j’étais une exception dans son curriculum sentimental. Et que maintenant, elle en a vraiment trop fait. Alors plus tard, dimanche, au téléphone, je l’ai remerciée pour ce week-end si instructif dont elle ne se rendait pas compte à quel point il m’avait rendu service. Elle était un peu interloquée, n'a rien dit. Certes, ce ne sera pas facile, mais la page est aux trois-quarts tournée, maintenant. Pour me changer les idées, cette dernière année, j’aurais dû faire ce qu’elle fait, besogner quelques bavaroises quelconques, je ne sais pas si j’en serais capable, en tout cas je n’aurais jamais confronté ces créatures avec mon Fils. Au moins, là-dessus, j’ai la complète compréhension des grands-parents hongrois, qui se demandent, eux aussi et observent avec inquiétude.

Voilà, ma belle, tu es tombée bien bas. Et c'est fini. En plus, sans vouloir me vanter, j’ai quand même beaucoup plus d’allure que lui et une tête de plus, mais va comprendre, peut-être que tu étais fatiguée du risque de torticolis. Il me reste mon fils. Et ces quantités d’instants heureux avec lui, un peu en-dehors du monde, nous deux.

Dimanche soir, je lui explique que je dois repartir, mais qu’il viendra me voir dans 10 jours, que je l’attends déjà. Mais que ce soir, je dois reprendre le train et que sa grand-mère va arriver pour le garder et le coucher. Alors il me regarde et dit : « Non ! Enlève tes chaussures ! », commence à pleurnicher. Comme si enlever ces chaussures était un signe que je reste. Sa grand-mère nous a conduits à la gare, il voulait voir mon compartiment, cette couchette du haut poussiéreuse où j’ai à peine dormi. Et puis on s’est fait des grands signes, sur le quai, alors qu’il repartait. Voilà, les choses précieuses. La tempête n’est pas seulement pour moi, j’ai failli l’oublier. Et lui a besoin de moi, plus que jamais.

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Commentaires
~
J'ai adoré la dernière phrase... pleine d'espoir, de douceur et de détermination ! J'avais pas l'air con dans le S-Bahn avec mes feuilles volantes en train de verser une petite larme ;) Je me suis d'ailleurs demandée ce que je serais devenue si les pompiers n'étaient pas arrivé à temps lorsque ma mère était au bout du rouleau... alors courage petit père célibataire, tu vaut bien mieux qu'elle lorsqu'il s'agit de faire face à ses responsabilités parentales ! Et je suis sûre qu'un jour ou l'autre ton attitude paiera...
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