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Divers & variés
14 septembre 2007

Une histoire romantique

Elle voulait absolument venir avec moi en France cet été. La mère inquiète, limite paranoïaque, qui voulait s'assurer que son Fils (donc le mien) serait bien traité (!). Qui voulait aussi changer d'air, en pension (presque) complète, chez les grands-parents, qui arrivent beaucoup mieux à occulter certaines choses que moi. Moi aussi, je suis con, je la regarde, elle me plaît toujours et dans un coin d'abîme, tapissé de souvenirs, de choses que je n'oublie pas, j'aimerais la retrouver, redevenir comme avant, mieux. Elle hésite un peu, refuse cette idée, assure sa présence maternelle aux instants cruciaux et le reste du temps disparaît, sur la plage ou dans les bars.

Un soir, peu avant son retour en Hongrie, le Petit dort, la maison est silencieuse, les grands-parents regardent une série allemande sur Arte, je m'y refuse. Je l'appelle, elle est partie depuis une bonne heure, je lui demande si on peut se retrouver. Je n'ai pas de plan, enfin si, toujours en tête cette idée incertaine et entêtante dont je ne peux me détacher, qui me crève et me pèse, mais je cherche aussi un contact ami, ennemi, connu, non âgé, une longueur d'onde entre temps déréglée mais toujours voisine, trop voisine. Elle est à une terrasse, en face de la mer, me dit de venir, une petite heure.

J'arrive, il y a un type assis à sa table. Type local, taille moyenne, brun standard. Il est le barman, profite de sa pause pour engager la conversation. Je réduis la discussion au strict minimum, il pavane quelques connaissances œnologiques, sa pause est finie, il disparaît. Je parle, elle parle, on aurait beaucoup de choses à se dire, mais aussi plus du tout, le constat d'échec revient, inéluctable et les quelques ponts qui demeurent sont vacillants. Quelques mots ressurgissent, des mots d'il y a longtemps, des mots dont on ne savait alors pas qu'ils seraient inauguraux, échange de fin de soirée. Et puis ce constat que ça n'a pas changé, et que c'est trop tard maintenant. Je repars. Elle reste encore quelques jours, sort le soir, revient tard (tôt), je suis avec mon Fils, je tempère tout ceci. J'occulte, aussi.

Quand je ramène le Petit à Budapest, deux semaines plus tard, sur un chemin du retour très rallongé, le soir, elle téléphone, en anglais, à quelqu'un qui de toute évidence n'est pas son collecteur d'impôts. Elle écrit des SMS, papillonne, m'énerve, parce que je sens que des choses qui depuis un an ne m'appartiennent plus m'échappent alors réellement. Les autres épisodes intermédiaires sont détaillés dans des messages précédents.

43557_PE139333_S3Le barman, créature romantique, ce barman-là de ce soir lointain, a gardé le contact. L'a appelée, a quitté son pays pour la rejoindre (elle de s'extasier sur cette qualité). Il vit chez elle, depuis un peu moins de deux semaines, restera, sans doute. Elle le "connaît" depuis moins d'un mois, s'enrobe de jolies phrases sur "un homme à ses côtés" (elle autrefois si prudente, si réticente). Lui, il vit là, voit mon Fils tous les jours, interagit. Je ne sais pas ce qu'il fait, sinon (professionnellement, car le reste, je peux l'imaginer).

Ce soir, je vais arriver là-bas, tard, après avoir négocié un taxi étranger. Dans ce petit appartement dont l'intérieur s'effrite, faux luxe populaire, que je hais parce qu'il me rappelle ma condition, qui est l'endroit où je vois mon Fils le plus souvent, si loin, si triste. Et qui maintenant sera baigné de l'odeur d'un étranger, débarqué là, soudain, à la va-vite, mais pour rester. Un étranger que je rencontrerai donc pour une deuxième fois, très brièvement, un français opportunément exilé, avec lequel il faudra que j'échange un salut qui d'avance m'exaspère. Le nouveau, le futur. Qui passera le week-end en amoureux avec la mère de mon fils. Qui l'accompagnera dans deux semaines, quand elle m'amènera mon Fils pour un petit temps. Avec qui elle dormira à l'hôtel, laissant le Petit chez moi. Qui la journée parcourra les rues de Munich avec elle et mon Fils, tandis que je travaillerai.

Alors le week-end s'écoulera, pareil à lui-même, mais avec un arrière-goût. J'essaierai d'occulter, je pense que le Petit m'y aidera, sans aucun doute, j'espère. Jusqu'au dimanche soir, où ils reviendront, reprendront le contrôle du quotidien, avant que je ne remonte dans un taxi étranger pour prendre le haïssable train de nuit. Où je ne dormirai pas.

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