Tuning
Enfer et damnation ! En jetant un coup d’œil rapide dans les mp3 que
j’avais transféré vite fait bien fait dans mon nouveau portable avant de
partir, ne voilà-t-il pas que je tombe sur un mix de Bob Sinclar.
Décidément, lui, il me poursuit, cette année (cf. un article précédent). Mais
c’est du bon. Ca sonnerait bien dans la nouvelle voiture de Mamie (i.e. la
grand-mère du Petit). Un petit truc comme ça qui pète, pour faire le cake sur
le remblai, toutes fenêtres ouvertes (donc sans Mamie). J’en ai vu plusieurs,
des Jackys, en ces lieux. L’un avait repeint plutôt
artistiquement sa 206 CC, il faut bien le lui accorder, c’était presque beau,
je lui laisse la mention spéciale du jury. Mais les autres faisaient dans la
surenchère de spoiler autocollant et peinture mauve, très mauvais, surtout sur
les modèles de voitures qu’ils avaient choisis (R19, entre autres). La
différentiation se faisait donc plutôt sur la puissance d’ampli, mais comme la
musique qu’ils avaient choisie était intrinsèquement inécoutable, les
départager fut rude. Mention bien au cake du 92 avec sa 205 (ça devait être ça,
comme voiture, dans une vie antérieure) violacée et son rap haineux, mais qui
s’est arrêté pour me laisser traverser le passage piétons. Les autres :
virés. Ne revenez pas.
Mais aujourd’hui, alors que je descends une petite rue comme il y en a
quantités ici, vers la mer, dans l’ouverture d’un garage, qu’aperçois-je ?
Une Mitsubish Lancer Evolution dernier modèle
(IX ?). La même que dans Need For Speed Carbon (sinon je ne l’aurais jamais reconnue). La
vache ! Si j’en crois le jeu, c’est donc ma voiture de rêve qui se tient
ainsi devant moi, modestement recroquevillée à l’abri sous une maison en
surplomb. Je sais, c’est dur de juger sur des manettes et un écran HD, mais
quand même, ce que j’ai retenu du jeu, c’est que je ne suis pas un conducteur
de Lamborghini en herbe, mais plutôt de Renault Clio v6 (Cat. 1), Lotus Elise
(Cat. 2) ou Mitsubishi Lancer Evo IX (Cat. 3) –
toujours en herbe, certes. Alors cette confrontation fortuite dans une ruelle
avait quelque chose de mystique. Puis je suis reparti, presque honteux d’avoir
lorgné sur la Subaru Impreza WRX STI d’un type,
quelques semaines auparavant. Si j’avais su.
Comme quoi les jeux vidéo sont une source non négligeable de revenu
publicitaire. Un gars comme moi ne serait jamais venu à l’idée de considérer
une Mitsubishi ou une Subaru, confronté au choix cornélien d’un véhicule. Même
après une séparation et une situation enviable de père célibataire à 1400km
(aller-retour) tous les deux week-ends. Non, on considère des voitures
normales, que la bonne éducation et les souvenirs étudiants français
identifient de suite avec une fidèle Clio ou 206. A la limite, on regarde le
modèle du dessus, Mégane Coupé ou 307, C4 ou Bravo. Mais on ne sort pas de ces
limites. Passer du temps dans le développement de tracteurs ne m’a pas plus
porté sur les BMW, Audi, VW ou Mercedes qu’autre chose. Certes, petite
faiblesse coupable pour la Z4, mais à ce niveau-là, c’est presque sentimental.
Et voir mes vénérés collègues des marques susdites se ramener en A8, CLS ou X5 (toutes
options, s’entend, sinon petit joueur) pour les réunions ne m’a jamais fait
baver, ni bander, ni les deux.
Anecdote amusante : le chef de département qui se la pète parce qu’il
a eu une R8 pour le week-end et qui montre les photos du véhicule durant la
pause, garé devant son joli petit pavillon standard sans âme de la banlieue
d’Ingolstadt. Et tous de s’extasier, de renchérir. A ce point-là, ce n’est plus
du networking, ni de la politesse, on est au niveau
au-dessus, celui que seuls les allemands de la branche automobile peuvent
atteindre, cette fixation hypnotique, cet aveuglement salarié, presque
admirable s’il n’était aussi profondément ennuyeux. Moi, à voir les photos, je
tendais plutôt à lui demander s’il avait été chez le coiffeur entre temps. Mais
ça n’aurait pas été « corporate ». D’un
autre côté, étant le seul français de l’équipe, donc révolutionnaire arrogant,
ça n’aurait pas nui à mon image.
L’autre jour, on revenait de loin, avec mon chef. Loin, ça veut dire la campagne, la brousse profonde, dont on se demande comment ils ont fait pour construire des usines là-bas. Et de m’expliquer que les contrats de leasing pour les voitures de fonctions sont bien, mais malheureusement politiquement assez restreints : on ne peut prendre que des voitures allemandes (entendre : pour faire joli chez le client, qui peut-être les fabrique ou partie). Moi, je lui montre une 407 SW du plus bel effet, lui, la larme à l’œil, me dit qu’il a été forcé de faire des traits sur certaines options pour pouvoir se la prendre, sa BMW 530 xd. Ach, la vie est dure, c’est vrai, elle ne fait pas de cadeaux. J’aurais bien insinué qu’effectivement, ses sièges en tissu-velcro, pas en cuir, et sa navigation sans carte, ça faisait minable, mais je me suis refréné, refusant toute polémique facile. Je dois, lentement, atteindre la sérénité, tiens, parfois, je m’étonne moi-même…