Les fantômes
On peut passer des journées paisibles, sans
soucis, mais il suffit qu’une ex fasse encore des siennes pour en pourrir le
reste, ces infimes restants d’heures qui n’en avaient pas demandé autant. Elle
me fait chier. Je ne comprends pas pourquoi je n’ai toujours pas réussi à
l’expulser de mes pensées, je ne comprends pas pourquoi elle est toujours là.
Elle a une position (trop) privilégiée, ne serait-ce que parce qu’elle est la
mère de mon fils. Alors les questions demeurent, les réponses ignorées. Comment
expliquer tout ceci à une autre, quand on a déjà trop partagé avec l’une, à tort
ou à raison et que cette situation perdure, sans trop de discernement, aveugle.
Car elle ne me fait pas seulement chier. Je la regarde et les vieux sentiments
sont toujours là. Je la hais et je la cherche de même, je l’évite et reste
collé, les journées oscillent, je suis le multivibrateur astable, je fais le
grand huit.
J’essaie de me concentrer sur les choses
importantes, monomane perdu, je bâtis des châteaux de sables et je fuis dans mon
blog pour ne pas penser, ne pas sentir son parfum hantant et sa présence. Les
gens de l’extérieur, sur le parking d’intermarché ou le bout de la jetée voient
une petite famille sans histoire, façade séduisante, pourrie de l’intérieur,
mais c’est invisible. Je saute dans les vagues avec le Petit et elle fait des
signes de plus loin, de son tapis de bain singulier, les photographes ambulants
de la plage pensent saisir la parfaite constellation familiale et de portrait,
je dois les dissuader. Un triptyque de plus n’arrangerait rien à l’affaire,
juste éveiller quelques déjà morts pour des secondes d’exposition mensongères
avant de replonger dans le néant.
Le Petit est heureux, c’est indéniable, petit
monarque local adulé par les générations, il règne sans partage sur un royaume
de petites autos et de Playmobil ancestraux. Court de ci, de là, nargue les
vagues et le chat, chipe les pelles des petits voisins et s’insurge bruyamment
contre la proximité injuste du sommeil vespéral. Il entretient le sourire des
protagonistes, à sa manière innocente, encore non alourdie de cours de pipeau
institutionnel et de faiblesse humaine. Papa regarde et se demande, n’écrit que
ces phrases empesées qui parsèment ces pages, à la recherche d’une illumination
illusoire. Il se défend d’être prêt à des compromis alors qu’il a déjà fait les
plus gros, se veut fier et intraitable alors qu’il poursuit des chimères qui
chaque jour le phagocytent un peu plus. Il retourne la perspective, échange les
pronoms, ment à la page, ment au monde dans l’espoir d’une quiétude passagère,
un verre de Mareuil et Sunset Girl
d’ATB en regardant le ciel.
C’est bien tout ce qui reste, un ordinateur
portable et une collection de mp3s. Et interrompre Mirco de Govia toutes les
cinq minutes pour vérifier que le Petit dort bien, que son asthme ne menace pas
de nouveau et que le koala et l’ours brun cohabitent paisiblement.
Effectivement, ça pourrait être pire.