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Divers & variés
9 juillet 2007

Géopolitique de tas de sable

Après-midi ludique en haut de la colline. La petite aire de jeux familière de Buda. Le Petit connaît très bien le chemin, il montre déjà du doigt le parc alors que nous nous approchons. Aux abords de la grille, je le descends de mes épaules, il part un peu devant, pas loin. Il faut d'abord que je lui ouvre, la grille est légèrement bloquée par le sable qui s'accumule. On rentre, je referme derrière nous. Déjà de loin j'avais vu les parents divers, marchant courbés, tenant des mains, des pelles, des vélos, courant derrière leur petit monstre à eux, d'âges variés.

Le Petit parcourt les lieux du regard, s'oriente, se tourne vers moi et désigne une des activités du doigt. Ce sera donc là que nous commencerons. En général, on choisit d'abord l'échelle qui aboutit sur le pont. Il me regarde d'en haut, vadrouille, ses mains dépassant à peine du rebord. Il revient vers l'issue, le tube d'acier pour se laisser glisser en bas, s'accroche, ne laisse aller que quand je l'attrape. Parfois, il refait un tour, parfois il court vers l'activité suivante. Le plus souvent, nous échouons au grand tas de sable, sous les arbres. Je me pose. C'est parti.

41faGx4cFWLLe tas de sable hongrois est bien différent du tas de sable munichois. Au tas de sable de Buda, les objets gisent épars, en self-service. Parfois il y a des noms dessus, au marqueur permanent. Souvent non, c'est ce qui fait le charme. Les pelles, râteaux, seaux et autres moules aux formes diverses restent là, attendent le passant, s'enfouissent dans le sable, redoutant l'archéologue juvénile. On prend, on laisse. Il faut juste partager. A l'arrivée, les objets personnels sont versés dans le sable, au départ, le parent parcourt le parc à la recherche des éléments manquants, emmenés par des vents enfantins à l'autre bout, second tas de sable ou au milieu des arbres. Même ces objets-là ne font guère l'objet de conflits. Contraste.

A Munich, le tas de sable se résumait souvent à une confrontation d'enfants gâtés et de parents arrogants, les uns encourageant les tendances égoïstes des autres. Un incessant combat, parfois violent, pour la maîtrise personnelle et définitive de la pelleteuse plastique ou du camion rutilant. Mon Petit à moi est paisible, il regarde toujours avec ses grands yeux quand un autre arrive, excité et lui arrache ce bulldozer bariolé dont il venait de se saisir, criant "Meins! Meins!" sous l'approbation muette des parents teutons, soudains parfumés de fierté devant la force de caractère de leur futur petit manager. Mon Petit à moi regarde, partage, échange. De ce point de vue-là, il est bien mieux là-bas, au petit parc de Vérhalom Tér.

Certes, de temps à autres, une petit crise, un gamin exprime son désarroi face à la prise de sa propriété, mais la grande différence, c'est l'attitude des parents. Là-bas, patiemment, ils lui expliquent que c'est normal, qu'il n'y a pas de quoi en faire un drame, qu'il peut bien partager cet objet qu'il a de toute manière jusqu'à présent négligé. Alors ils jouent ensemble, quelques larmes séchées en guise de souvenir. Et tout est oublié. Harmonie.

Je suis assis au bord du tas de sable, sur les rondins enterrés. Je regarde, je ratisse, aussi. Le Petit m'amène des moules, j'essaie de lui montrer la tactique secrète, pour que la grenouille, le bateau ou l'avion ne s'effrite pas en l'espace de secondes. Je lui explique qu'il doit creuser un peu plus profond, pour atteindre la couche de sable humide, qui tient bien mieux. Et la technique du léger tapotement avec la pelle pour faciliter le démoulage. L'objet est réussi. Et mon Petit à moi le détruit d'un pied léger avec un sourire narquois. Et de reprendre la pelle.

Les autres petits viennent me voir, me posent des questions, me demandent la pelle que je mobilise, sans-gêne, pour mon activité personnelle. Je ne les comprends pas, s'ensuit un échange surréaliste. Mon Petit à moi ne veut pas traduire. Mais ce n'est pas si grave. On n'est pas si mal, ici.

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