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Divers & variés
26 septembre 2007

Conte de la jungle (Chap. V)

Hurler avec la meute est une activité très reposante. Hurler avec une meute est quelque chose de facile. Amener une meute à hurler est également une action relativement simple. Cette meute-ci était particulièrement hétéroclite, mais tout bien considéré, c'était sa meute, celle où, d'une manière inattendue, il se sentait bien. Cette pensée était suffisamment troublante pour grand coyote, qui avait d'énormes difficultés à se réinsérer dans toute structure animale se rapprochant d'une famille. Alors il prit la fuite, subrepticement, pour voir, humer l'air et considérer la jungle.

Dans la communauté, la routine battait son plein. Le temps était à nouveau aux workshops. Hamster dépressif avait tenu, avec l'aide d'un autre, à organiser l'un d'eux. Grand coyote était sceptique, non qu'il n'apprécie la bonhomie amicale du hamster, mais plutôt du fait de son appréhension, son instinct, qui lui recommandait là de faire un détour, comme devant les pièges à mâchoires des grands nuisibles. L'assemblée était ce jour entièrement constituée de vieux briscards expérimentés, de la crème allégée de la communauté du sud, mais aussi de l'ouest et du nord. Et l'unanimité qui se fit ce jour le laissa dans une certaine mesure pantois. Chacun d'entre eux avait le même regard que lui sur les choses qui se passaient à présent, chacun d'entre aux avait les mêmes désirs, les mêmes envies de changement et d'amélioration. Certes, il ne regardaient pas vers l'est aussi maladivement que lui, certes, malgré leurs cicatrices d'anciens combats, ils faisaient toujours preuve d'un attachement complet à la communauté.

pandaLa communauté. Les remises en question. Trop de choses en même temps, le temps était rude, l'hiver approchait. Le deuxième hiver. Il se retira sur la colline habituelle, regarda la colonie, les plantations, toute cette petite vie qui grouillait, là, sous ses pattes. Et le sentiment de vide. Il regarda une nouvelle fois la feuille de mûrier que son ami panda facétieux lui avait fait parvenir le matin. Un autre, un inconnu jusqu'à présent, alors indéfini, avait dit: "Ecrire, c'est parler, en étant torturé par l'incommunicable". Il avait un nom, un signe de reconnaissance et de distinction, mais qui ne se conformait pas aux règles de noms de la jungle. Il s'appelait Edmond Jabès, son devenir était inconnu. Il avait vécu, vivait peut-être encore, en des lieux éloignés et étrangers, un autre temps, une autre civilisation, impensable et si proche cependant. La pensée était séduisante qu'il ait, lui aussi, été un coyote. Peut-être même de ceux qui ne nécessitaient plus d'adjectifs. En tout cas, il l'aurait mérité.

Grand coyote soupira. Cela lui arrivait souvent, ces temps-ci, trop souvent. Il pensa un instant à une maladie grave et fantastique qu'il aurait, par inadvertance et soucis de complétude, attrapé à un détour de la jungle. Une langueur fatale et douloureuse de lenteur. Mais non, il n'était guère hypocondriaque. Le destin avait apparemment d'autres plans en réserve pour lui. La citation de l'autre coyote honoraire trottait dans sa tête, fascinante de compréhension subite et satisfaisante. Quel dommage que les coyotes ne sachent pas écrire. Juste hurler à la lune. Mais en ce domaine, ils étaient les meilleurs, indéniablement.

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