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Divers & variés
31 août 2007

Les graviers

Hier soir, soirée studieuse, surtout vers la fin. Comme je n'ai plus TV5, j'ai regardé la télé allemande, ce qui a l'énorme avantage que je vais donc me coucher plus tôt. Et j'en ai profité pour relire le troisième tome du Combat ordinaire de Larcenet (Il a annoncé le tome 4 prochain sur son blog, enfin!). Je ne m'étendrai pas sur l'album, peut-être plus tard, non, mais il m'a rappelé quelques épisodes passés, des souvenirs précieux.

On allait chez mon grand-père maternel régulièrement, pas trop souvent, mais régulièrement. Après tout, 40 kilomètres... une paille. Il fallait passer par la ligne droite des Hunaudières en sortant du Mans, mais d'accélération, point. J'étais compacté à l'arrière d'une 3-portes, mais il est vrai que j'étais plus petit, à l'époque. Traverser la campagne, la route, je la connaissais par coeur, toutes les courbes, les localités traversées et l'arrivée dans la petite ville, le dernier feu, le dernier tournant, à l'angle du photographe. L'entrée était barrée par une respectable grille blanche à moitié rouillée, qu'il oubliait d'ouvrir la moitié du temps, au grand dam de la conductrice. A droite, un peu en retrait, le noisetier recouvrait déjà l'ancienne enseigne de son auto-école, peinte sur le mur, lentement effacée. On rentrait, demi-tour dans l'entrée du petit hangar, il ouvrait la porte de la véranda et descendait l'escalier blanc.

grav1L'après-midi, avant, promenades alentours, les contreforts, les troglodytes (le Loir n'était pas loin), un ruisseau local aux gerris rameurs, insignifiant, que l'on suivait jusqu'à sortir de la ville, dans les champs bientôt et le lavoir, là-bas, qui marquait la pointe de l'excursion. Après, sa maladie se développant, il était difficile de partir, on restait dans la cour d'entrée, on jouait aux boules. On a souvent joué au boules, dans ces graviers. Des graviers blancs et bruns, parfois dorés. La pétanque devenait un parcours d'obstacles, eu égard à la présence latérale d'un tas de sable, de l'autre de muguet et de la pente légère, mais sensible, de la cour. On s'amusait bien, cependant. Et puis il fallait rentrer, chemin inverse, le dimanche était terminé, la semaine attendait.

J'ai revu tout ceci, bien plus tard. Ces histoires finissent généralement dans un petit cimetière, sous un ciel gris ou pluvieux. Celle-ci n'échappa pas à la règle. Après un buffet d'honneur laborieux, on se retrouva de nouveau devant cette grille. Les graviers crissaient toujours sous les pneus des voitures et sous les pas, mais quelques herbes folles s'étaient aventurées au-delà de leur territoire. L'intérieur n'avait guère changé, il avait jusqu'au bout, alors qu'il n'y habitait plus depuis quelques années, payé une femme de ménage pour venir toutes les semaines. Seulement, tout était terne, maintenant. Dernière visite d'un maison qui m'avait toujours parue grande et mystérieuse, perdait maintenant son fard et son charme. Les volets s'ouvraient une dernière fois, les placards étaient vidés. Je me retrouvai seul, un instant, le premier, dans son bureau. Restaient juste une collection de crayons divers, vieux manuels, quelques papiers et un gros livre de photographies de vieilles voitures. Je n'ai pas osé pousser la vieille porte qui menait vers cette pièce mystérieuse où, enfant, j'allais puiser dans les vieux jouets entassés là. Déjà, les autres arrivaient, derrière moi. Je n'a même pas pris le livre, je le regrette.

La maison fut vendue, évidemment. Quelques années plus tard, alors que nous bouclions un tour rapide des châteaux de la Loire, sur le chemin du retour, j'eus l'idée de m'arrêter un instant. La ville n'avait guère changé, même pas un giratoire central, le photographe n'avait pas fermé boutique, mais là, dans la petite rue, c'était un nouveau spectacle. Le portail avait été remplacé par une grande porte métallique bleue, cachant la cour aux regards indiscrets. Le noisetier avait été taillé, le mur repeint, effaçant définitivement les inscriptions. J'ai retrouvé le cimetière dans un petit village adjacent, si différent sous le soleil, parcouru les tombes, m'arrêtant enfin sur celle que je cherchais, qu'il partage dorénavant avec ma grand-mère que je n'ai jamais connue. Je lui ai montré que la vie continuait, que dans quelques mois allait venir celui qui aurait été son arrière-petit fils, bref ces petites choses irrationnelles que l'on fait alors pour se donner une contenance, car il n'y a pas grand chose à dire à une plaque de marbre froide. Nous sommes repartis, il faisait beau.

Tout ce qu'il reste sont quelques photos, beaucoup de souvenirs. Les graviers.

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Commentaires
P
bon cest la greve ici ou quoi?
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