Dis-moi Pirouette
Les compagnies aériennes offrent quantités de
lectures au voyageur avide d’informations. Certaines à bord, d’autres
directement au terminal. Les méthodes et le contenu diffèrent. Par exemple, sur
Air Berlin, les quotidiens habituels et aussi quelques mensuels moins standard,
comme Marie Claire ou FHM. Lors de ce vol mémorable pour cause de retards et
autres turbulences, la possibilité de prendre Playboy s’offrait à l’audacieux
passager. Sans doute révélé par la perspective d’une mort proche dans la
tempête, l’un d’eux se leva, au milieu du vol, et saisit le périodique pour se
rasseoir et ne pas vomir, mais l’esprit libre. La liberté dura jusqu’à l’arrivée
à Munich, où la foudre, tombée sur un aiguillage, avait complètement désactivé
le trafic de S-Bahn vers le centre. Dur retour aux
réalités.
Sur Malev, pas de
journaux, mais des sandwiches chauds, dessert, boisson et café. Tout bien
considéré, c’est une bonne alternative aux pauvres sandwiches à peine tirés de
leur repos cryogénique distribués à la va-vite par d’autres compagnies. Mais à
Lyon, Air France nous ouvre les bras et des étagères foisonnantes de quotidiens
sont en libre service au terminal. J’ai donc le choix cornélien entre le Figaro,
la Tribune, Libération, le Parisien, le Herald Tribune, le Financial Times, le
Monde, l’Equipe, et plein d’autres, dont des locaux (ce qui me permit
d’apprendre que Bourgoin joyeux ne s’écrit pas comme ça et que c’est situé dans
la région lyonnaise). Je me décidai, faiblement, pour FT et le Monde, par
habitude plutôt que par conviction, par paresse plutôt que par
opinion.
Dans l’avion, ça change, il y a des enfants
partout. Déjà, au terminal, ça courait partout. On est en France, c’est
indéniable, ce ne seraient pas les allemands qui se commettraient ainsi au
transfert de leur patrimoine génétique. Les hôtesses sont presque débordées,
mais non, je me trompe, il en faudrait tout de même plus. C’est le partage des
ressources ludiques qui pourrait devenir difficile. Mais les trésors d’invention
des départements marketing ainsi que les capacités innées à négocier des
personnels navigants surmontent facilement ces obstacles. Car les paquets-jeux
Air France sont classés par âge. Mon Petit à moi a deux ans et demi, catégorie
limite. L’hôtesse admet d’elle-même l’inutilité de la bavette 0-3 ans et se
résout, avec mon encouragement, à fournir un petit magazine avec des crayons de
couleur.
L’ajout des crayons de couleur au paquet me
laissera perplexe, car même après plusieurs lectures, point de page de
coloriages ou même de dessin. Enfin bon, c’est l’intention qui compte. Le FT me
barbe vite, avec ses petites annonces pour affairistes nantis londoniens et ses
articles sur la nécessité réfléchie d’investir à certains endroits limitrophes
d’autres où il ne faut pas investir. Si, un article sur la nécessité enfin
reconnue de bien nourrir ses employés pour qu’ils travaillent mieux. C’est BMW
qui va être contente, où la portion de frite molle est de plus en plus
rationnée… Je passe au Monde. Même le dessin de Plantu n’est pas drôle. Ou alors
je ne comprends pas. Des articles sur la politique africaine du petit Nicolas S.
et sur les mises en scène osées de chorégraphes obscurs, mais modernes, sur les
scènes festivalières estivales. Des faire-part de décès, tiens, quatre fois la
même personne, pleurée par sa famille, ses collègues et les deux associations
écologistes auxquelles il participait,
dont Greenpeace. Il en a, de la chance. Et cet article sur le dopage et le Tour
de France, empesé de conditionnels, car écrit le samedi précédent, alors que le
résultat n’était pas encore sûr : le coureur qui gagnerait le Tour dimanche
aurait trempé dans des affaires louches de produits qui seraient illicites.
Etonnant.
Bref, rien de bien fascinant, mais comme le Petit
s’est endormi sur sa mère, je me saisis de l’opuscule précédemment obtenu : Dis-moi Pirouette. Avec un gentil chien
en couverture, genre brave, type poilu. Et ce titre : « Tout sur le chien ».
Ah ! Je me plonge dans une lecture que j’attendais courte et facile, pour me
rendre compte que le contenu éditorial n’avait rien à envier aux grands noms
cités précédemment, en sus dans un format plus compact. Ce qui j’y appris, par
exemple, c’est que le chien a 42 dents, soit dix de plus que l’humain normal,
c’est-à-dire non lycanthrope. Que le shar-pei (qu’une paresse mentale incompréhensible me poussait à
appeler shia-tzu) se déride
quand il grandit (et que donc les vieux shar-peis sont moins ridés que les jeunes, c’est Jeanne Moreau
qui va être contente). Que Pollux du Manège Enchanté était en fait un komondor, vraie race de vrais chiens. L’émerveillement
instructif continue, puisqu’un article de fond apparaît, une histoire vraie (et
édifiante) : Pataud, le chien de berger. Une leçon de vie basée sur les premiers
mois d’existence de Pataud, le petit patou. Des pages
pratiques « Je m’occupe de mon chiot ». Et des jeux, pas trop à colorier, mais
qui n’ont pas à rougir de la comparaison avec les sudokus même pas hexadécimaux trouvés partout
ailleurs.
Je repose le recueil, l’œil embué d’une petite
larme révélatrice, réconcilié avec le monde (enfin, temporairement, sinon ce
blog n’aurait pas lieu d’être). Maintenant, quand je prendrai l’avion, je
laisserai le FT croupir et je réclamerai Dis-moi Pirouette, le supplément
informatif de Pirouette, au moins
j’apprendrai des choses utiles pour la vraie vie, celle des non-managers au cœur
encore mou de rêves enfantins. Merci.