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Divers & variés
16 juillet 2007

Le workshop

Samedi paisible, le soleil brille, la canicule échauffe, les belettes sortent. En fait de belettes, ce seraient plutôt quantités de créatures pâles, court-vêtues, aux yeux insectoïdes. Le retour magnifique des lunettes de soleil des années 70, hémisphères noirs sur-dimensionnés, recouvrant les yeux rouges d'allergie saisonnière. Je les ignore dans un premier temps, il faut que j'aille acheter du morbier, question de priorités. D'ailleurs j'ai bien fait, c'était la fromagère neutre (pas l'hostile, ni la sympa, juste la neutre), donc je n'ai pas eu de problème linguistique.

Je reviens donc content avec mon sac de courses lorsque je remarque dans ma rue deux mégères locales en pleine discussion. "Mégère locale" est un peu exagéré et ne donne qu'une image déformée de la réalité. Disons deux quinquagénaires pré-ménopausées aux maris fortunés, mais pas trop (pas de sous pour se refaire le nez, mais assez pour le solarium) et un "semblant" de style (chemise à trous, pantalon trop court, chaussures recouvertes de paillettes clinquantes). Bref, je ne savais pas qu'il y avait des modèles comme ça dans ma rue, ça me vexe presque, c'est un joli quartier, normalement. Peut-être qu'elles ne sont pas d'ici, qu'elles sont perdues, mais non, elles mettent une telle obstination ostentatoire à s'entretenir sur ce pan de trottoir qu'on croirait qu'elles y habitent (mais alors à l'angle). L'une d'elles traîne au bout d'une laisse rose une petite créature ridicule, qui dût autrefois (c'est-à-dire il y a plusieurs millions d'années) être un fier canidé, un féroce chasseur indomptable. Ce qu'il en reste est un hybride fatigué rasant la terre, au poil dru mais pas soyeux. Et les deux causent, discussion animée, j'en enregistre des bribes: "elle nous fait sans cesse des crises de jalousie", d'un air emporté.

dachshundkleinDubitatif, je rentre chez moi, dépose mon morbier rudement gagné dans le réceptacle réfrigéré idoine et me dirige vers la sortie, à nouveau prêt, ma mission accomplie, à affronter le vaste monde de juillet. Les deux sont toujours là, prêt de l'épicerie méditerranéenne (je dis "Méditerranéenne" parce que je n'ai pas l'impression qu'ils soient turcs, pour une fois, mais définitivement de par-là), toujours aussi animées. A côté, la chose quadrupède sèche au soleil. "Elle ne supporte pas la présence d'autres femmes autour d'elle". Ah bon. Je me dis que ces fragments de discussion pourraient aussi bien s'appliquer à sa belle-mère phlébitique, à sa fille adolescente ou à sa chienne (n'ayons pas peur des mots). En tout cas, il semble qu'il y a là un problème, que dis-je, un chantier!

Tout bon manager vous le dira: en situation de reconnaissance de l'existence d'un chantier, le temps est venu de prendre des mesures. Jargon industriel pour dire: y a problème, faut qu'on cause. Je propose qu'on s'assoie ensemble pour analyser tout ça, faisons un workshop! On va inviter tous les stakeholders du champ de compétences pour faire un petit brainstorm solutionneur! Vous me direz, c'est que des anglicismes et du nouveau français puant! Et là, je vous arrête: non, même en allemand, on dit ce genre de choses de cette manière-là. Mon impression est même que l'invasion des anglicismes est plus marquée ici, mais je m'éloigne.

Alors Gudrun et Josiane, faisons un workshop pour résoudre votre problème. D'abord on invite toutes les personnes concernée, même votre mammifère inférieur, là. On réserve une salle climatisée (c'est mieux en été) pour la journée avec restauration (c'est-à-dire des caisses de jus d'orange ou d'eau, avec ou sans bulles, et des petits gâteaux gras accompagné de haribos divers). L'idéal, ce serait même une salle de réunion a l'extérieur, hors de la ville, dans un hôtel d'alpage ou au bord d'un lac, le dépaysement, ça aide à mieux rationaliser. Important, le projecteur relié au laptop, pour un Powerpoint sans complexes et éviter la fixité rétinienne causée par les méthodes archaïques de rétroprojection transparente. Et puis on écrit un agenda. Une demi-heure d'introduction (pourquoi qu'on est assis là), une demi-heure de présentation personnelle (qui qui donc?), puis discussion jusqu'à la pause de midi pour mieux cerner le problème. Chacun aura bien entendu, au préalable, reçu un bloc et un crayon aux couleurs de la gentille entreprise organisatrice.

Le midi, on ouvre la fenêtre, regarde les vaches/les bateaux, discute un peu à bâtons rompus, bref networking, quoi. Important, le networking, sinon on saurait pas à qui qu'on cause et en plus qui sait, peut-être qu'on aurait des opportunité de business avec ces gens-là dans le futur... Petit repas de détente. Les pauvres se coltinent des sandwiches aux crevettes, les riches se tapent une bavette saignante avec des frites sur la terrasse. Petit cappuccino, pour tous. Et on reprend.

Comme on a tous bien travaillé et que l'on a reconnu le problème, il nous faut juste une petite demi-heure maintenant pour formaliser les focal points (en anglais dans le texte) résultant de la précédente discussion matinale. Maintenant, on sort le gros matériel, le tableau en papier, les autocollants bigarrés, les feutres de même et les post-it. Car le moment est venu du brainstorming solutionneur. Oui. L'important maintenant, sous la houlette d'un gentil animateur de cerveau, c'est de surmonter ses bloquages, de parler libre et vrai, sans censure. On écrit des choses sur le papiers roses et on les colle sur le tableau, sous le sourire bienveillant de la créature susdite. Après deux heures, magnifiques de créativité non retenue, encore illuminés par tant d'idées, arrive le moment de l'analyse finale. On rejette, mais toujours gentiment, de manière impersonnelle, positive, les inputs trop déviants ("Roger, je trouve personnellement ta proposition extrêmement intéressante, mais je ne pense pas qu'elle nous mène au but, c'est pour cela que je la mets de côté"). Et sur le tableau autrefois blanc apparaît une annonciation colorée, l'évidence d'une méthode de solution proche. C'est presque beau et le modérateur, petite larme constructive à l'oeil, nous dit qu'on a tous bien travaillé. Le temps du wrap-up, euh... pardon, de la conclusion est arrivé. Il est 4 heures, on récapitule toute la journée, insistant sur la productivité qui a dégouliné toute la journée et remerciant les participants de leur aide ô combien précieuse, vraiment, on avait rarement vu ça, croyez-en mon expérience.

Parfois (mais c'est facultatif), on met en place un plan d'action (mais sans dates fixes ni responsables, pour ne pas stresser ces personnes qui viennent de tout donner). Et l'on se retrouve en fin d'après-midi romantique tous sur la terrasse, pour un verre de Sekt réparateur et encore un peu de networking jusqu'à pas d'heure.

C'est beau, ce sentiment du travail accompli.

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Commentaires
M
j aurais bien aime que tu places le coup du "drive" dans ton texte :p<br /> <br /> phil
A
J'ai eu droit il n'y a pas si longtemps a un seminaire de communications: Comment transformer un ingenieur autiste en virtuose de la communication? Le GO nous a fait marcher en rond dans la pièce, d'abord sans regarder les autres ("Ist-Stand"), après en regardant ses petits copains, et puis, le summum, en touchant son petit copain. La tentation de faire des chats-bite etait grande mais dans un souci de professionnalisme je me suis cantonne aux coudes ou a l'oreille du GO. Maintenant quand un manager veut me parler, je lui tire l'oreille: C'est pour mieux communiquer on garcon...
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